Interview de Marie Riverau
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Réussite sportive et auditive : le témoignage de Marie Rivereau

23/01/2024 00:00:00 • 7 min. de lecture

Audika a interviewé Marie Rivereau dans le cadre de la journée mondiale du sport féminin. Perchiste professionnelle, elle a accepté de répondre à nos questions sur sa perte d'audition et son parcours sportif.

Marie Rivereau : l'élan audacieux d'une championne

Au cœur de l'arène sportive, où chaque centimètre est une conquête, Marie Rivereau s'impose comme une figure incontournable.

L'athlétisme requiert plus qu'une simple capacité physique ; il demande une force intérieure, et Marie Rivereau, perchiste de haut niveau, est la personnification de cette force.

Éducatrice investie auprès des jeunes, sa trajectoire est un bel exemple de détermination et d'adaptabilité.

La rencontre avec les cieux

C'est dans l'effervescence du stade que Marie a troqué les barres parallèles de la gymnastique pour la perche qui la propulse aujourd'hui vers les sommets.

"Cela s’est fait au hasard des rencontres", raconte-t-elle.

Depuis dix ans, elle se dédie à ce sport avec la passion et la détermination qui caractérisent les grandes athlètes.

Marie Riverau saut à la perche

Audika : "Quand avez-vous rejoint un club de saut à la perche pour la première fois et depuis combien de temps pratiquez-vous ce sport ?

- Marie Rivereau : "J'ai commencé vraiment dans un club quand j'avais 19 ans... Aujourd'hui j'en ai 29, donc ça fait 10 ans."

- Audika : "Pour continuer sur votre parcours sportif, quels moments ont été les plus marquants ?"

Marie Rivereau :  "Sans hésiter, la première fois que j'ai franchi la barre des 4 mètres reste un moment clé. C'est une étape importante qui marque l'approche du haut niveau, et cela reste un souvenir mémorable. J'évoquerai également mes premières participations aux championnats de France élite, où j'ai concouru aux côtés des « valides ». [NDLR : Marie Rivereau participe aux compétitions dites classiques et aux compétitions avec les personnes sourdes et malentendantes].

Dans ces championnats, se mesurer à des athlètes qui aspirent aux Jeux Olympiques est une expérience à part. C'est dans ce cadre que j'ai rencontré Margot Chevrier.

C'est assez fascinant de rencontrer ces personnes. On ne réalise pas sur le moment qu'elles peuvent devenir des champions. Prenez Margot, par exemple, qui a atteint 4,70 mètres ; on n'imagine pas une telle performance au début. Ces rencontres sont réellement marquantes. Vivre ces moments, échanger avec de tels athlètes, et même avoir l'opportunité de participer à un stage dirigé par l'entraîneur de Renaud Lavillenie pendant une semaine, ont été des expériences vraiment très enrichissantes."

 

Des jalons mémorables

La conquête de la barre des 4 mètres reste gravée dans sa mémoire, un cap franchi qui a annoncé son entrée dans le cercle prestigieux du haut niveau. "C'était un moment particulièrement important", confie Marie avec émotion.

Ses premiers championnats de France élite, où elle a côtoyé des légendes olympiques, et sa victoire éclatante assortie d’un record du monde aux Deaflympics à Rio en 2022, sont des instants qu'elle chérit avec fierté.

Équité et inspiration

Dans un monde où l'équilibre entre les genres est souvent précaire, Marie salue l'égalité qu'elle a trouvée dans son sport. Elle puise son inspiration dans le soutien indéfectible de sa famille et l'exemple de figures comme Ninon Romarin, qui jonglent entre maternité et compétitions de haut niveau.

Audika : "En tant que femme athlète, avez-vous rencontré des défis spécifiques au cours de votre parcours, et comment les avez-vous surmontés ?"

- Marie Rivereau : Il n'y en avait pas, je n'ai pas eu ce ce type de souci. C'est vrai que le niveau des hommes et des femmes peut être différent en raison de la génétique, des hormones mais ça s'arrête là. J'apprécie l'équité et le soutien équivalent dont bénéficient tous les athlètes dans mon environnement."

- Audika"Y a-t-il des personnalités qui vous ont inspiré ?"

- Marie Rivereau : "Ma famille a joué un rôle essentiel dans mon parcours, que ce soit pour surmonter ma phobie scolaire ou pour m'accompagner dans le sport. Mon père, par exemple, m'a souvent accompagnée aux compétitions, même lorsqu'elles étaient éloignées.

Le soutien de ma famille a été constant, et mes amis ont également été d'une grande compréhension. Ce qui compte, ce n'est pas seulement les encouragements du genre "Allez Marie, tu vas y arriver aujourd'hui !" mais aussi la présence et la possibilité de discuter d'autres sujets lorsque les choses ne vont pas bien. Mes amis ont été particulièrement compréhensifs, sachant que parfois, en raison de mes engagements sportifs, je ne pouvais pas sortir le week-end. Ils sont toujours là pour moi.

En ce qui concerne les personnalités inspirantes, Ninon Romarin a eu un impact considérable sur moi. Cette athlète a la particularité de toujours sourire lorsqu'elle participe à une compétition. Sa passion pour le saut à la perche est indéniable, et elle reste positive quel que soit le résultat. Ce qui est remarquable, c'est qu'elle a été mère. Avant les Jeux de Tokyo, on lui avait donné l'opportunité de participer, mais après son retour de maternité, elle a dû consacrer à nouveau du temps à l'entraînement et à la préparation.

Malheureusement, elle n'a pas réussi à retrouver son niveau antérieur, malgré ses efforts. Ce qui lui avait été promis lui a été retiré, et elle n'a pas pu participer aux Jeux Olympiques, bien qu'elle se soit battue pour retrouver son niveau. Son parcours est incroyable, car lorsqu'elle est revenue en 2020 après avoir accouché, elle sautait à 4,05 mètres, alors qu'auparavant elle atteignait 4,75 mètres. Actuellement, elle est à 4,60 mètres.

Le fait qu'elle ait réussi à retrouver son niveau malgré la maternité est admirable, et cela remet en question le tabou qui entoure parfois la maternité dans le sport. Trop souvent, il semble que l'on attende des femmes athlètes qu'elles mettent leur carrière en pause pour avoir un enfant, alors que c'est un choix personnel qui affecte notre vie intime. Parfois, nous souhaiterions que cela puisse être un projet parallèle. "

 

Vivre avec une perte auditive

Marie a grandi au sein d'une fratrie partagée entre le monde du silence et celui des sons. "Vers 1 an, j'ai commencé à avoir une perte auditive", explique-t-elle. La sévérité de sa surdité n'a jamais été un frein mais un défi à relever chaque jour avec ses appareils auditifs qui lui ont permis de se “reconnecter au monde”. 

Dialogue et compréhension

Communiquer sur sa surdité avec les autres, que ce soit dans le sport ou ailleurs, est pour Marie un acte quotidien. Elle aborde le sujet avec sérénité, insistant sur l'importance de faire comprendre son handicap aux autres sans pour autant se laisser définir par celui-ci.

"Il a fallu expliquer aux gens", dit-elle en évoquant la nécessité de faire comprendre son handicap à ses entraîneurs et concurrents.

La communication est une clé, un moyen de tisser des liens et de se faire comprendre sans toujours devoir évoquer sa surdité.

Les mots d'encouragement

Face à l'adversité, Marie est un phare d'espoir.

"Il ne faut pas se freiner par rapport à ce que l’on veut faire. Ne pas avoir peur de l’échec", conseille-t-elle à ceux qui, comme elle, rencontrent des obstacles.

Sa victoire aux Deaflympics, sans l'assistance de ses appareils auditifs, est une preuve que les rêves peuvent se réaliser et représente un témoignage puissant de sa philosophie de vie : ne jamais se restreindre ni renoncer à ses ambitions.

Un quotidien harmonieux

Dans l'arène comme dans l'intimité du quotidien, Marie ne retire ses aides auditives que pour les moments de repos. Elle insiste sur l'importance de l'adaptation, comparant le port d'aides auditives à celui de lunettes, une transition vers une vie plus riche et connectée aux autres. 

Les aides auditives sont pour Marie des instruments précieux qui lui permettent de mener une vie épanouie. Elle encourage donc ceux qui hésitent à franchir le pas vers l'appareillage.

Vers de nouveaux horizons

Alors qu'elle se ménage une pause dans sa carrière, l'athlète garde les yeux rivés sur l'horizon. En 2024, Marie portera la flamme olympique, symbole de son ardeur et de son engagement envers le sport et sa passion.

Dans la simplicité de ses mots et la clarté de son parcours, Marie Rivereau inspire. Elle nous rappelle que les barrières sont là pour être franchies et que la persévérance est la véritable essence de la réussite.