Dans cette interview, Gaétan Lemoine et Céline Guemas, audioprothésistes D.E et coordinateur·rice du pôle d’expertise Acouphènes / Hyperacousie d’Audika, expliquent ce qu’est un acouphène, ses origines, les différences aigu/chronique et objectif/subjectif, les spécificités de l’appareillage, ainsi que la prise en charge pluridisciplinaire et les conseils pratiques pour mieux vivre au quotidien.
Objectif : vous aider à comprendre vos acouphènes et à identifier les solutions adaptées à votre situation.
Interview – Acouphènes (Audika)
Q. Qu’est-ce qu’un acouphène ?
R. "Aujourd’hui, la compréhension des acouphènes a beaucoup évolué. Ils sont désormais reconnus comme un trouble réel et sérieux, capable d’affecter le bien-être et l’état émotionnel d’une personne. Cette reconnaissance a entraîné une transformation des approches thérapeutiques, qui tendent désormais vers une prise en charge globale et humaine, impliquant différents professionnels de santé afin d’accompagner durablement chaque personne concernée.
Un acouphène est un son perçu en l’absence de signal extérieur. Le patient peut le décrire comme un grésillement, un bourdonnement ou un sifflement. Il peut être bref et temporaire ou, au contraire, permanent. Il peut être perçu de manière discrète (peu perturbante) ou, à l’inverse, très fort, donc très perturbant, au point d’impacter la qualité de vie.
Dans cette vidéo, vous découvrirez ce que sont les acouphènes, leurs causes possibles ainsi que les solutions et accompagnements proposés par Audika pour mieux les gérer au quotidien et améliorer la qualité de vie des patients."
Q. Comment est née cette expertise acouphènes chez Audika ?
R. "Chez Audika, nous nous préoccupons de ce problème depuis de très nombreuses années. Cette prise en charge s’est professionnalisée et structurée depuis environ 2018."
Q. Quelles sont les origines de l’acouphène ?
R. "Les origines peuvent être multiples. Comme l’a dit Céline, il existe parfois des causes objectives : problèmes maxillaires, troubles sanguins, troubles musculaires… Ces causes relèvent du médecin ORL.
S’il existe une perte d’audition détectée, c’est majoritairement la cause n° 1 de perception d’un acouphène. Cette perte peut être très minime, liée à un traumatisme sonore ou à une surexposition sonore répétée. Dans ces cas, on observe souvent un premier signe de fatigue auditive : l’acouphène."
Q. Quelle est la différence entre un acouphène aigu et un acouphène chronique ?
R. "Un acouphène aigu est perçu depuis moins de 6 mois. Un acouphène chronique est perçu depuis plus de 6 mois."
Q. Quelle est la différence entre un acouphène objectif et un acouphène subjectif ?
R. "L’acouphène objectif est très rare et pris en charge par le médecin ORL ; une solution médicale ou chirurgicale peut parfois être trouvée.
Nous prenons surtout en charge les acouphènes subjectifs. « Subjectif » signifie qu’il n’est pas perçu par l’entourage, mais il est bien objectivé aujourd’hui : on sait qu’il existe une activité électrique autonome du système auditif qui génère cette perception sonore appelée acouphène."
Q. Quelles sont les spécificités d’un appareillage auditif auprès d’un patient acouphénique ?
R. "Après consultation du médecin ORL et adressage par celui-ci, nous vérifions avec le patient s’il existe une perte auditive et si elle est corrélée à l’acouphène. Première étape : compenser le plus efficacement possible la perte auditive, avec des réglages spécifiques pour être efficaces sur l’acouphène.
À l’inverse, s’il n’y a pas de perte auditive mesurée, nous utilisons d’autres outils, comme des générateurs de bruit – en général de bruit blanc – qui nécessitent eux aussi un réglage spécifique et, surtout, des explications spécifiques. En effet, on ajoute un bruit alors que le patient vient plutôt pour qu’on retire un bruit : il faut donc bien l’accompagner."
Q. Quels outils utilisez-vous pour expliquer ce qu’est un acouphène ?
R. "Nous utilisons beaucoup de schémas du fonctionnement de l’oreille et des images pour que le patient s’approprie le phénomène.
Par exemple, une bougie dans une pièce sombre représente l’acouphène dans le calme. La même bougie dans une pièce lumineuse, c’est l’acouphène avec une correction auditive (quand c’est nécessaire) et un bruit thérapeutique précisément réglé."
Q. Comment adaptez-vous les solutions possibles en fonction du profil acouphénique ?
R. "Chaque patient vit différemment avec ses acouphènes. Nous parlons ici des patients qui ont des difficultés au quotidien. 40 % de la population française ont déjà eu des acouphènes ; parmi eux, une petite proportion vit difficilement avec ce trouble, et nous prenons particulièrement en charge ces patients-là.
Pour eux, il faut prendre plus de temps et prévoir un rendez-vous spécifique. Par exemple, le temps de l’anamnèse (échange avec le patient) où il peut exprimer ses difficultés, raconter son histoire auditive et son parcours auditif, ainsi que l’impact émotionnel au quotidien.
Nous réalisons aussi des tests spécifiques : une acouphénométrie (pour caractériser l’acouphène : tonalité plus ou moins grave/aiguë, intensité/« volume », et impact au quotidien).
Nous utilisons des questionnaires validés, par exemple le THI, qui permet de mesurer à l’instant T l’impact de l’acouphène dans la vie du patient, ainsi que des échelles visuelles analogiques (comme pour la douleur) pour que le patient caractérise lui-même l’intensité et la gêne au quotidien."
Q. Pourquoi parle-t-on par erreur de masquage sonore ?
R. "À long terme, le masquage n’est pas une bonne solution en appareillage auditif : lorsque le patient retire son appareil, s’il y a eu masquage, il peut avoir la sensation que son acouphène lui paraît plus fort. Il faut donc viser un réglage très spécifique et précis, non pas pour masquer, mais pour que le son thérapeutique se mélange avec les autres sons."
Q. Quels sont les autres acteurs impliqués dans la prise en charge d’un acouphène ?
R. "La prise en charge est toujours pluridisciplinaire. L’ORL pose le diagnostic et c’est le chef d’orchestre de l’équipe.
On peut rencontrer des professionnels qui prennent en charge la partie émotionnelle : psychologues, sophrologues, parfois des hypnothérapeutes.
L’audioprothésiste prend en charge la partie acoustique de la réhabilitation auditive."
Q. Comment rassurez-vous vos patients lors de la prise en charge ?
R. "Nos patients ont besoin d’être accompagnés. Ils peuvent être stressés ou anxieux, c’est normal. Nous planifions les rendez-vous à l’avance pour qu’ils se sentent bien encadrés. Nous travaillons aussi un discours commun entre les différentes personnes qui interviennent autour du patient acouphénique (et nous-mêmes), afin qu’il se sente entouré. La prise en charge peut être longue, avec des périodes de haut et de bas ; nous sommes présents tout au long de cette période."
Q. Comment gérez-vous les patients anxieux ou en détresse ?
R. "Nous faisons comprendre que nous ne sommes pas en mesure de faire disparaître l’acouphène ; cela arrive très rarement. Notre objectif est de limiter l’impact de l’acouphène. Nous utilisons un discours simple, pour que le patient comprenne ce dont il souffre : on a peur de ce qu’on ne connaît pas. Une bonne explication aide à réduire l’anxiété et le stress. Ensuite, c’est l’accompagnement collectif qui compte : il n’est pas seul, il peut s’appuyer sur nous pour améliorer son état au quotidien."
Q. Que faites-vous pour rendre le parcours moins anxiogène ?
R. "Nous prenons soin des patients. Au sein de l’équipe du laboratoire, nous sommes très attentifs lors des prises de rendez-vous pour garantir le temps nécessaire afin de prendre en charge ces patients et répondre à leurs questions.
Nous évitons de fixer des rendez-vous pendant les périodes bruyantes (atelier : compresseurs, aspirateurs, etc.) afin qu’ils ne se retrouvent pas dans des situations bruyantes. Nous cherchons à créer un environnement serein."
Q. Auriez-vous un conseil d’expert à partager avec nous ?
R. "Ce que l’on sait, c’est que l’acouphène n’est pas « dans la tête » uniquement : c’est bien établi, avec des conséquences importantes sur l’humeur, le sommeil, la concentration et donc la qualité de vie.
Ne restez pas seul face à cela : il existe des professionnels spécialisés dans cette prise en charge, et nous serons là pour vous accompagner au quotidien."